Alors que l’année scolaire 2025-2026 se poursuit ailleurs dans le pays, une question trouble les familles de Walungu : les élèves pourront-ils réellement atteindre la fin de l’année ?
Dans plusieurs villages du groupement d’Ikoma, de Lurhala et d’autres zones du territoire de Walungu au Sud-Kivu, les cours sont paralysés par les affrontements récurrents ce dernier temps. Entre écoles désertées, enseignants en fuite et parents désemparés, l’avenir éducatif de milliers d’enfants vacille. Reportage au cœur d’une crise silencieuse mais dramatique.
Les échos de la crise sécuritaire résonnent désormais jusque dans les salles de classe, ou plutôt ce qu’il en reste. Dans certaines écoles primaires et secondaires du groupement d’Ikoma, les pupitres sont vides et les tableaux couverts de poussière. « Nous ne pouvons plus étudier quand des tirs éclatent à quelques kilomètres seulement », témoigne Nadine, élève de 3e année secondaire. La jeune fille, obligée de rester chez elle depuis plusieurs semaines, craint déjà un possible abandon scolaire.
Dans le groupement de Lurhala, les enseignants tentent tant bien que mal de maintenir un semblant d’activité. Mais les fréquents affrontements rendent toute planification impossible. « Chaque matin, on ne sait pas si l’on va donner cours ou courir pour sauver nos vies », confie un instituteur, encore choqué après un récent déplacement forcé. Ses élèves, éparpillés dans différents villages, ne parviennent plus à suivre le rythme scolaire.
À Walungu-centre, les parents observent l’évolution de la situation avec une angoisse croissante. Beaucoup redoutent une année blanche. « Nos enfants méritent un avenir, pas une vie faite de fuites et de peur », s’indigne un père de famille dont trois enfants ne se sont plus rendus à l’école depuis plus d’un mois. Pour ce parent désespéré, l’éducation est devenue un luxe que la guerre menace de leur arracher.
L’impact psychologique sur les enfants se fait déjà sentir. Dans plusieurs villages, les enseignants rapportent un traumatisme grandissant. « Certains élèves tremblent dès qu’ils entendent un bruit fort », explique une enseignante d’Ikoma. Elle raconte comment plusieurs de ses élèves refusent désormais de traverser certaines routes, de peur de tomber sur des groupes armés. L’école, jadis un espace de sécurité, a perdu sa fonction protectrice.
Pour d’autres jeunes, l’incertitude quotidienne nourrit un sentiment d’abandon. « On se demande si l’État sait même que nous existons », lance David, élève finaliste, frustré par l’interruption répétée des cours. À quelques mois des examens d’État, il craint de ne pas être suffisamment préparé. Son rêve d’intégrer l’université semble s’éloigner chaque jour davantage.
Pendant ce temps, la communauté locale appelle au secours. Chefs coutumiers, leaders éducatifs et organisations civiles dénoncent l’effondrement progressif du système éducatif dans ces zones oubliées. Ils réclament des mesures urgentes : sécurisation des villages, réouverture des écoles, et soutien psychosocial pour les élèves. Faute d’intervention rapide, avertissent-ils, une génération entière risque de grandir dans l’ombre des armes, privée de savoir et d’espoir.


