Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a lancé jeudi un vibrant appel à la paix dans l’est de la République démocratique du Congo, où le groupe armé M23, soutenu par l’armée rwandaise, s’est récemment emparé de la ville de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. C’est ce qu’a appris congocroissance.com dans une note d’information publiée hier jeudi, 06 février 2025.
« Nous sommes à un moment charnière et il est temps de nous mobiliser pour la paix », a déclaré le chef de l’ONU lors d’un point de presse au siège des Nations Unies à New York. C’était avant d’ajouter ceci: « Il est temps de procéder à une médiation. Il est temps de mettre un terme à cette crise. Il est temps de faire la paix. Les enjeux sont trop importants ».
« Nous avons besoin du rôle actif et constructif de tous les acteurs – à savoir les pays voisins, les organisations sous-régionales, l’Union africaine et les Nations Unies », a-t-il ajouté.
Sommet régional
Vendredi, les dirigeants de deux organisations régionales, la Communauté d’Afrique de l’Est et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), participeront à un sommet en Tanzanie qui mettra l’accent sur la crise dans l’est de la RDC.
La semaine prochaine, à Addis-Abeba, le Secrétaire général participera à une réunion au sommet du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, où cette crise sera également au cœur des débats.
Le chef de l’ONU a rappelé que des milliers de personnes ont été tuées – y compris des femmes et des enfants – et des centaines de milliers ont été forcées de quitter leurs foyers dans l’est de la RDC en raison de la recrudescence du conflit.
« Nous constatons également la menace constante d’autres groupes armés, congolais ou étrangers. Tout cela a un coût humain énorme. Nous recevons d’innombrables rapports sur les violations des droits humains, notamment les violences sexuelles et sexistes, le recrutement forcé et l’interruption de l’aide humanitaire vitale », a-t-il ajouté.
Crise humanitaire
Il a noté que la situation humanitaire à Goma et dans ses environs est « périlleuse » : des centaines de milliers de personnes sont en déplacement, et de nombreux sites qui abritaient auparavant des personnes déplacées au nord de la ville ont été pillés, détruits ou abandonnés ; les établissements de santé sont débordés et d’autres services de base – notamment les écoles, l’eau, l’électricité, les lignes téléphoniques et l’Internet – sont sévèrement limités.
« Pendant ce temps, le conflit continue de faire rage au Sud-Kivu et risque d’engloutir toute la région », a prévenu le Secrétaire général.
Il a rendu hommage à tous ceux qui ont perdu la vie, notamment les Casques bleus de la mission de paix des Nations Unies, la MONUSCO, et les membres des forces régionales, et exprimé sa solidarité avec le peuple congolais.
« Mon message est clair : faites taire les armes. Arrêtez l’escalade. Respectez la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo. Faites respecter le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire », a lancé le chef de l’ONU à l’adresse des acteurs concernés. « Il n’y a pas de solution militaire. Il est temps que tous les signataires de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région honorent leurs engagements ».
Des experts inquiets des attaques sur des bases « ethniques »

De leur côté, des experts indépendants des Nations Unies se sont inquiétés, jeudi, des informations faisant état d’attaques sur des bases « ethniques » dans l’est de la RDC.
« Nous exprimons notre profonde inquiétude face aux informations faisant état d’attaques aveugles et d’assassinats ciblés de civils, notamment sur la base de leur appartenance ethnique », ont déploré ces experts, fustigeant des cas « d’exécutions sommaires, de graves incidents de violence sexuelle et des civils soumis à la conscription et au travail forcés ».
Ils font état « d’arrestations arbitraires de personnes déplacées confondues avec des rebelles ». « Nous demandons également qu’une attention particulière soit accordée aux vulnérabilités exacerbées des peuples autochtones pygmées. Nous demandons à toutes les parties au conflit de respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international ».
Appel au retrait du Rwanda de la RDC
L’intensification des hostilités entre le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et les forces armées congolaises (FARDC), soutenues par des milices alliées et des acteurs mercenaires, a déplacé au moins 700.000 personnes, en a tué au moins 900 et en a blessé plus de 2.000 à Goma et ses alentours depuis le début du mois de janvier.
Après s’être emparés la semaine dernière de la capitale de la province du Nord-Kivu, le M23 et les troupes rwandaises ont lancé mercredi une nouvelle offensive dans la province voisine du Sud-Kivu et conquis la cité minière, Nyabibwe à environ 100 km du chef-lieu Bukavu.
Les experts ont donc appelé le M23 à cesser ses avancées militaires, en particulier vers Bukavu où des milliers de personnes déplacées ont trouvé refuge. Ils ont fait écho à l’appel du Secrétaire général pour que le Rwanda cesse de soutenir le M23 et se retire du territoire de la RDC. « Toutes les parties doivent retourner à la table des négociations de bonne foi, pour l’avenir de la paix et de la sécurité régionales », ont-ils affirmé.
Reddition des comptes
Face à ce sombre tableau, les experts ont rappelé la nécessité de mener des enquêtes en bonne et due forme et de trouver une solution politique à long terme pour mettre fin à ce cycle de violence et de déplacement.
Ils invitent la communauté internationale à garantir la reddition des comptes « avec de nouvelles enquêtes de la Cour pénale internationale ». « Alors que la communauté internationale reste les bras croisés, des millions de Congolais déplacés continuent d’endurer des épreuves inimaginables, aspirant à la paix et à la reconstruction de leur vie », ont fait valoir les experts.
Une vingtaine d’experts ont endossé ce communiqué dont Paula Gaviria Betancur, Rapporteure spéciale sur les droits des déplacés internes ; Reem Alsalem, Rapporteure spéciale sur la violence contre les femmes, mais aussi le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes ou le Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires.