À Mubugu, dans le territoire de Kalehe, l’école n’offre plus le rêve d’un avenir meilleur mais plutôt l’image d’un combat quotidien pour apprendre.
Dans ce coin enclavé de Bunyakiri, les élèves étudient dans des salles de classe à moitié détruites, sans bancs ni tableaux dignes de ce nom. Certains suivent les leçons assis sur des pierres ou directement à même le sol, dans un environnement où le bruit du vent et de la pluie rivalise avec la voix des enseignants.
Jean, élève de 5ᵉ primaire, raconte sa peine avec des mots simples : « Nous venons à l’école pour apprendre, mais parfois nous restons dehors parce que la classe est remplie et il n’y a pas de place. » Sa camarade Chantal renchérit : « Quand il pleut, nous rentrons à la maison, car le toit laisse passer l’eau et nos cahiers sont mouillés. » Ces témoignages d’enfants traduisent l’ampleur d’une crise éducative qui semble oubliée des décideurs.
Du côté des enseignants, le découragement se mêle au sens du devoir. « Nous faisons ce que nous pouvons, mais dans ces conditions, enseigner devient un supplice », confie maître Kambale, instituteur depuis dix ans dans la zone. « Nous n’avons pas de craie, pas de bancs, et parfois nous passons trois mois sans salaire. Mais nous restons parce que ces enfants ont besoin de nous. »
Les parents, eux, ne cachent pas leur colère. Pour Maman Espérance, mère de quatre enfants, la situation est insoutenable : « Nous contribuons avec nos faibles moyens pour réparer les toits, mais cela ne suffit pas. Nos enfants méritent les mêmes conditions que ceux de Kinshasa ou de Goma. L’État doit assumer sa responsabilité. » Dans un territoire marqué par la pauvreté et l’isolement, ces efforts communautaires peinent à combler l’absence de l’État.
Les chefs coutumiers aussi s’inquiètent de l’avenir de la jeunesse. « L’éducation est la seule arme pour sortir Kalehe de la misère », déclare le chef de groupement Mubugu. « Mais comment espérer former des leaders de demain quand nos enfants apprennent dans des ruines ? » Son appel résonne comme un cri d’alarme lancé aux autorités provinciales et nationales.
La société civile, de son côté, multiplie les alertes. « Nous interpellons le gouvernement et ses partenaires à intervenir rapidement. Ces enfants ne doivent pas être condamnés à l’ignorance à cause de l’abandon », souligne un militant local. « La gratuité de l’enseignement ne peut pas être seulement un slogan, elle doit s’accompagner d’infrastructures et de moyens. »
En attendant une réaction des autorités, les élèves de Mubugu continuent de fréquenter leurs écoles délabrées, nourrissant malgré tout l’espoir de jours meilleurs. Chaque matin, ils prennent le chemin de classes sans bancs ni fenêtres, avec une seule certitude : leur détermination à apprendre reste plus forte que la misère qui les entoure.