« Mettre fin au VIH n’est plus un défi scientifique. C’est un choix moral et le monde dispose de cinq années pour le faire ».
« Nous parlons souvent de la fin du VIH/ SIDA comme d’un objectif technique. Mais pour nous, en tant qu’un scientifique africain et une défenseure communautaire la question est profondément humaine. Derrière chaque statistique se cache une vie qui aurait pu ê »tre sauvée, une famille qui aurait pu rester soudée, un avenir qui aurait pu être préservé.
Les outils existent. La science est prête.
Ce qui manque, c’est le courage d’affronter les inégalités qui maintiennent l’épidémie en vie.
Un futur qui pourrait devenir réalité
« Imaginez un monde où aucun bébé ne naît avec le VIH, où aucune adolescente ne perd son avenir à cause d’une infection évitable, où les personnes vivant avec le VIH ne sont ni craintes ni jugées. Ce monde est entièrement à portée de main. Mais pour l’atteindre, nous devons cesser de considérer l’équité comme optionnelle. L’histoire ne retiendra à quel point nos technologies étaient avancées. Elle retiendra si nous avons choisi de les rendre accessibles à tous ».
L’inégalité détermine encore qui vit et qui meurt
« Si certains croient encore que le VIH est « sous contrôle », il leur suffit de regarder qui reste le plus touché.
En Afrique subsaharienne, vivent deux tiers des personnes vivant avec le VIH, et les adolescentes et jeunes femmes représentent plus de 60 % des nouvelles infections. En Europe de l’Est et en Asie centrale, les nouvelles infections augmentent, non pas pour des raisons biologiques, mais à cause de lois punitives et de la criminalisation des personnes utilisatrices de drogues. Même les pays riches échouent à protéger les communautés noires, migrantes, LGBTQI+ et racisées.Ces disparités ne sont pas accidentelles. Elles résultent de choix politiques, de normes sociales et d’un sous-financement des acteurs qui connaissent le mieux leurs communautés.
C’est pourquoi nous insistons : les scientifiques africains et la société civile doivent être au cœur de la prise de décision.
Nous connaissons les réalités.
Nous connaissons les obstacles.
Et nous savons ce qui fonctionne.
Pourtant, nous restons insuffisamment financés et marginalisés dans les espaces politiques mondiaux ».
Nous avons accompli l’impossible mais les progrès restent fragiles
« Reconnaissons le chemin parcouru. Au plus fort de l’épidémie, l’accès au traitement était un privilège réservé à quelques-uns. Aujourd’hui, plus de 30 millions de personnes reçoivent un traitement antirétroviral. Les décès liés au sida ont diminué de 70 %. Les nouveaux outils de prévention autotest, PrEP injectable, traitements à longue durée redéfinissent l’autonomie et le choix.
Mais face au recul de l’attention politique et à la stagnation des financements, ces avancées durement acquises sont désormais menacées. En 2023 seulement, 1,3 million de personnes ont été nouvellement infectées et 630 000 sont mortes de causes liées au sida. Pendant ce temps, les financements mondiaux diminuent, et les inégalités observées pendant la COVID-19 réapparaissent. Le Sud global a attendu les vaccins. Il risque désormais d’attendre les innovations contre le VIH ».

Le dernier kilomètre dépend du courage pas de la technologie
« Mettre fin au VIH exige plus que des outils nouveaux. Cela exige de mettre fin aux injustices qui rendent certains plus vulnérables que d’autres.
Nous avons besoin de gouvernements prêts à abroger les lois discriminatoires qui poussent les populations à se cacher et vivre dans la clandestinité. Nous avons besoin de sociétés prêtes à combattre la stigmatisation qui empêche encore tant de personnes de chercher et demander des soins.
Nous avons besoin de dirigeant·e·s prêts à financer la prévention avec sérieux.
Ces échecs ne sont pas inévitables. Ils sont tolérés et donc transformables ».
L’Afrique montre la voie, mais ne peut pas agir seule
« La Conférence Internationale sur le Sida et les IST en Afrique (ICASA) montre comment les chercheurs, praticiens et leaders communautaires africains façonnent des solutions adaptées à nos réalités. Mais la solidarité internationale faiblit, et la lassitude des bailleurs est réelle ».
C’est pourquoi nous soutenons que la fin du VIH dépendra de trois changements fondamentaux :
- Un financement domestique renforcé.
Les pays les plus touchés ne peuvent dépendre indéfiniment d’aides externes incertaines. La durabilité exige un investissement local. - L’activation de partenariats locaux, notamment avec le secteur privé.
Les entreprises bénéficient d’une population en bonne santé. Elles doivent être incitées à soutenir l’innovation et l’accès à la prévention et au traitement. - Une redevabilité accrue des institutions multilatérales, et une centralité du leadership des pays à forte charge.
Aucune réponse mondiale efficace n’est possible sans transfert de pouvoir vers celles et ceux qui sont le plus concernés.
Un appel à l’action
« Nous sommes à la croisée des chemins. Mettre fin au VIH n’est plus une question de nouvelles avancées scientifiques, mais de la volonté d’abolir des injustices anciennes.
La question est simple :Avons-nous le courage de choisir l’équité ?
Si oui, la génération qui a vu naître l’épidémie pourrait aussi voir sa fin. Sinon, l’Histoire ne nous jugera pas sur ce que nous savions, mais sur ce que nous avons refusé de changer.
La fin du VIH est possible. Son destin dépendra de notre volonté politique et de notre croyance collective que chaque vie, partout, a une valeur égale ».
Par Dr Christian Rusangwa, Directeur de l’Assistance Technique à Muso & Josiane Adja N’Koh Kouame, Présidente de l’ONG GNOUWIETA


