Plus de 16 700 cas de diabète ont été enregistrés au Sud-Kivu entre 2020 et 2024, un chiffre déjà alarmant qui ne reflète pourtant qu’une partie de la réalité.

Derrière les statistiques, des vies bouleversées, des familles désemparées et un système de santé qui tente de suivre le rythme d’une maladie en pleine expansion.

La province du Sud-Kivu fait face à une progression inquiétante du diabète, une maladie souvent silencieuse qui frappe sans prévenir. Entre 2020 et 2024, plus de 16 700 personnes ont été dépistées positives dans les structures sanitaires locales. Mais selon plusieurs professionnels de santé, ce nombre ne représenterait « qu’une petite facette d’un phénomène largement sous-estimé ». Beaucoup de malades ignorent encore leur état, faute de dépistage ou par crainte du diagnostic.

Le Dr Albert Kalehezo, coordonnateur du Kivu Diabète Center, tire la sonnette d’alarme. « Nous sommes devant une bombe à retardement. Le diabète progresse plus vite que nos capacités de prise en charge », confie-t-il avec gravité. Il explique que la majorité des patients arrivent à l’hôpital à un stade déjà avancé, souvent après plusieurs années de fatigue inexpliquée, soif intense ou plaies qui peinent à guérir. « Le retard de dépistage coûte des vies et complique les interventions », ajoute-t-il.

Dans les quartiers populaires de Bukavu, les témoignages se multiplient. Grâce, 42 ans, raconte son choc en apprenant sa maladie après un malaise soudain : « Je pensais que c’était juste le stress. Le médecin m’a dit que mon taux de sucre était extrêmement élevé. Je n’en revenais pas ». Comme elle, de nombreuses personnes découvrent leur état par hasard, lors d’un examen médical de routine ou après une complication grave.

Les familles, elles aussi, ressentent le poids de cette maladie chronique. À Kadutu, Pascal, un père de trois enfants, avoue vivre dans la peur constante : « Mon épouse est diabétique et chaque semaine, il faut acheter les médicaments. C’est trop cher pour nous. Parfois, on doit choisir entre manger et payer l’insuline ». Ces réalités économiques fragilisent encore davantage les ménages déjà précaires, créant un cercle vicieux entre maladie, pauvreté et stress quotidien.

Face à cette situation, le Kivu Diabète Center multiplie les campagnes de sensibilisation et de dépistage. Dr Kalehezo insiste sur l’importance d’agir tôt : « Le diabète ne doit plus être une fatalité. Avec un dépistage régulier et un suivi correct, on peut vivre longtemps et en bonne santé ». Le centre plaide pour une implication plus forte des autorités et des partenaires afin de rendre l’insuline accessible et d’intensifier les actions de prévention.

À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le diabète, célébrée chaque 14 novembre, les acteurs sanitaires rappellent que la bataille ne se gagnera que par une prise de conscience collective. La maladie avance, silencieuse mais implacable, et chaque retard dans la prévention ouvre la porte à une nouvelle tragédie évitable. Le Sud-Kivu, aujourd’hui, est plus que jamais face à un défi sanitaire majeur.

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