C’est un contraste qui se vit à l’Ep 2 et 8 Makelele, cette école de renom, située dans la commune de Bandalungwa, dotée d’un beau et nouveau bâtiment mais ses seize salles de classe, bien que carrelées, manquent de bancs. Ce qui oblige les élèvent à étudier à même le sol, au grand regret des parents, dont plusieurs n’ont pas hésité de retirer leurs enfants.
C’était avec pompe que l’Ep 2 et 8 Makelele avait accueilli ses élèves, anciens comme ceux nouvellement inscrits, le 1er septembre pour l’année scolaire 2025-2026. Cependant, si cette rentrée des classes a été réellement effective et saluée par tous, soulignons qu’elle a malheureusement laissé un gout amer pour plusieurs parents, dont les enfants ont foulé pour la première fois les pieds dans cette école à la façade trompeuse.
C’est une belle vue qui se dégage et saute aux yeux. Indéniablement joli, ce bâtiment, qui inspire confiance et miroite la rigueur, mais aussi la discipline, proches de celles des écoles Jésuites. Des salles de classes pimpantes repeintes aux couleurs traditionnelles de l’école, le jaune et le gris foncé, le tout dans une fraicheur qui se dégage au quotidien. Ce qui rassure le bon déroulement des enseignements et garantit une bonne assimilation de la part des élèves. Malheureusement à l’intérieur de ce bijou, tout est vide. Certains élèves se servent de leur cartable pour s’asseoir et suivre les cours. Tandis que d’autres, un grand nombre d’ailleurs, n’ont pas d’autre alternative que de s’asseoir sur les carreaux, sac à côté et le cahier en mains en train de prendre note devant les regards compatissants de l’enseignant, dont aussi les conditions de travail ne sont pas à envier. Pas de chaise, non plus de table ou encore une armoire pour l’enseignant, comme c’est le cas ailleurs.
« La rentrée scolaire a eu lieu, elle s’est effectuée normalement le 1 sept 2025 et jusqu’aujourd’hui nous sommes là. Tous les enseignants sont là, les élèves aussi. Cependant, je dois vous avouer une vérité. Nous avons inscrit 400 élèves avant la rentrée des classes. Mais pour le moment, nous nageons entre 300 et 250 élèves. Plusieurs parents ont retiré leurs enfants suite au manque de bancs. L’école manque de bancs », a lâché la Directrice de l’Ep 2 et 8 Makelele, Madame Françoise Mafetani Feti Biwinda, visiblement déçue de cette situation mais, elle ne désempare pas. Elle espère bien voir les choses changer au grand bénéfice de ce grand investissement public, qui existe depuis 1968.
Longtemps oubliée, l’Ep 2 et 8 Makelele a été réfectionnée l’année passée dans le cadre d’un noble projet PDL 145 territoire, initié par le Gouvernement de la République. Une belle initiative mais, qui reste jusque-là inachevée.
« Là où nous étions il y a des problèmes des inondations, c’était un terrain marécageux alors comme il y avait des sinistrés de l’autre côté et l’école aussi, elle était pollué, devenue un bourbier ; alors il y a une société Yetu qui est venue se présenter comme partenaire de projet PDL 145 territoire qui nous avait dit que l’école devait être réhabilité dans le cadre de ce projet et notre école était parmi les écoles à réhabiliter et là nous avons quitté ; c’est pour cela que nous sommes ici », a expliqué cette Directrice, un peu mécontente de l’actuelle configuration de son école.
A l’en croire, l’Ep 2 et 8 Makelele n’a plus son ancienne configuration. L’espace actuel est très réduit par rapport à celui d’avant, où les enfants pouvaient se détendre dans la cours pendant la récréation. Ces travaux de réhabilitation n’ont pas apporté du bonheur aux élèves. La grande cour qui servait aussi de terrain de footbal, le perron ainsi que le jardin, qui autre fois donnaient et contribuaient à la beauté de cette école, qui a déversé plusieurs universitaires, n’existent plus. Les enfants n’ont pas d’espace pour se détendre et se récréer.
« Dans l’ancien bâtiment, l’effectif était moindre car le terrain était marécageux, les conditions étaient précaires et dans le nouveau bâtiment, qui est pimpant neuf mais les conditions d’apprentissage sont médiocres », a confié la Directrice de l’Ep2 et 8 Makelele. C’était avant de lancer ce cri de détresse : « Le bâtiment de l’école est beau mais les bureaux ne sont pas équipées, les salles de classe n’ont pas des bancs, les enfants s’asseyent à même le sol. Nous n’avons pas des bancs, les parents nous grondent chaque fois parce que leurs enfants n’étudient pas dans de bonnes conditions. Il y a beaucoup de parents qui ont retiré leurs enfants. Nous demandons à nos autorités de nous envoyer des bancs. Nous avons eu des lettres signées par le gouverneur nous informant que le général du Service National devrait passer pour nous déposer des bancs mais jusqu’aujourd’hui nous attendons toujours. Que le gouverneur puisse faire quand même quelque chose pour qu’on ne puisse pas perdre les enfants parce que quand les enfants partent, ça ne sera plus une école ; parce que pour parler de l’école, il y a les élèves et les enseignants, ce n’est pas seulement les bâtiments. Nous demandons à nos autorités de nous soutenir, de penser à nous en ce qui concerne les bancs. On est en train de souffrir, les enseignants restent toujours debout ».
Dépasser la démotivation
Sous le régime de la gratuité, l’Ep2et 8 Makelele est prise en charge par l’Etat, qui appuie en terme des fournitures scolaires et des frais de fonctionnement, qui malheureusement, selon sa Directrice : « est vraiment dérisoire ». Ces frais de fonctionnement tombent tout le mois au même moment de la paie des agent et fonctionnaires.
« Il y a une clé de répartition même si ces sont des miettes mais étant une mère je sais comment m’organiser. Mais souvent on emprunte certaines choses et on paie après par tranche. Nous nous entendons avec la personne on se fixe les modalités de paiement (…) nous avons un service d’’ouvriers pour assurer la propreté. Les conditions de travail démotivent. Malgré les conditions difficiles, nous sommes là, nous encourageons toujours les enseignants de ne pas se laisser faire, ils ont accepté et travaillent. C’est pour cela nous sommes-là », a indiqué la Directrice de l’Ep2 et 8 Makelele, lâchant un petit sourire en dépit de sa lourde responsabilité.
Avec ses 16 salles de classe, cette école publique ne dispose que 11 enseignants et 4 administratifs, qui sont par moment obligés de se relayer pour ne pas laisser le vide.
« Nous avons repris les cours en temps normal malgré la difficulté que nous avons rencontrée. Nous sommes arrivés dans un nouveau bâtiment mais il n’y a pas des bancs, pas de bureaux et cela nous a causés beaucoup de tort. Malgré cela, nous donnons cours à la congolaise, les enfants suivent les cours par terre et nous débout. Ce qui fait que les enfants ont de difficulté pour écrire, mais, nous faisons un effort pour qu’ils puissent bien écrire », a fait savoir Monsieur Albert Lumana, enseignant en 4è primaire. C’était avant de souligner ceci : « Pour corriger les devoirs des enfants, je prends n’importe quelle position, je peux le faire debout, soit assis avec les enfants par terre. C’est un scandale (…) », pendant qu’à côté ses élèves en profitent pour se parler entre eux. Mais cela n’était pas le cas pour Mulopwe Josué, élève de la 6è année A primaire et bidele de sa classe, qui se félicite du dévouement de leurs enseignants en dépit des conditions déplorables de travail.
« Malgré les conditions difficiles, nos enseignants nous donnent bien cours. Ils ne sont pas nerveux. Aussi, nous ne sommes pas gênés, nous sommes déterminés à étudier. Nous demandons aux autorités de nous doter en bancs, en armoires et autres matériels », a-t-il déclaré.
Les conditions difficiles de travail pour les enseignants et les administratifs affectent malheureusement sur la qualité de l’enseignement. Il en est même pour les élèves. Difficile dans ces conditions d’étude pour eux d’assimiler correctement les cours, et de donner les meilleurs d’eux-mêmes. C’est ce qu’avait décrié Albert Lumana, cet enseignant en 4è primaire: » Les enfants sont toujours distraits et le parents sont trés fachés contre nous, les enfants qui viennent propres à l’école et rentrent sales… »
Pourtant, la volonté politique de rendre gratuit l’enseignement primaire en République démocratique du Congo a permis de récupérer environs 4 millions d’enfant. Cette volonté devrait être encadrée par des mesures encourageantes surtout pour ces enseignants, qui n’ont pas que la craie comme clé de voute. Sinon, de nombreux enfants risquent de retourner dans la rue comme c’est le cas de la plupart des parents de l’Ep2 et 8 Makelele, qui n’ont pas hésité de retirer leurs enfants suites aux mauvaises conditions d’étude.
